ISSN: 0213-2052 - eISSN: 2530-4100
DOI: https://doi.org/10.14201/shha29100

PRÊT D’AMITIÉ (ΕΡΑΝΟΙ) ET PRÊT À INTÉRÊT (ΔΑΝΕΙΑ) À ATHÈNES À L’ÉPOQUE CLASSIQUE

Préstamo de amistad y préstamo de interés en Atenas en la época clásica

Friendship Loan and Loan at Interest in Athens at Classical Era

Adou Marcel AKA

Université Jean Lorougnon Guédé (RCI)

Institut Ausonius Université Bordeaux Montaigne (France)

aka_adou@yahoo.fr

ORCID: https://orcid.org/0000-0001-7061-2721

Fecha de recepción: 9-5-2022Fecha de aceptación: 16-10-2022

RÉSUMÉ: Athènes connut à l’époque classique le développement des prêts contractés entre particuliers. Ceux-ci recoururent soit aux prêts d’amitié (les ἔρανοι) soit aux prêts à intérêts (les δάνεια). Ces deux types de prêts se contractaient selon des conditions différentes et survinrent à des occasions où des citoyens ressentaient un besoin urgent d’argent. Ils permettent de constater qu’à Athènes une solidarité à grande échelle s’était développée entre des membres d’une même classe, d’un même milieu d’affaire ou des personnes ayant des relations amantes.

Mots clé: Époque Classique; Prêt Privé; Prêt d’Amitié; Prêt à Intérêt; Athènes.

RESUMEN: Atenas experimentó en la época clásica el desarrollo de los préstamos contraídos entre particulares. Estos recurrieron a préstamos de amistad (ἔρανοι) o préstamos de interés (δάνεια). Estos dos tipos de préstamos se contrataban en condiciones diferentes y se producían en ocasiones en que los ciudadanos sentían una necesidad urgente de dinero. Nos permiten observar que en Atenas se había desarrollado una solidaridad a gran escala entre miembros de la misma clase, del mismo medio empresarial o de personas que tenían relaciones amorosas.

Palabras clave: Período Clásico; Préstamo Privado; Préstamo de Amistad; Préstamo de Interés; Atenas.

ABSTRACT: Athens experienced in the classical period the development of loans contracted between individuals. These resorted either to friendship loans (ἔρανοι) or to interest loans (δάνεια). These two types of loans were contracted under different conditions and occurred on occasions when citizens felt an urgent need for money. They allow us to observe that in Athens a large-scale solidarity had developed between members of the same class, of the same business milieu or of people having romantic relationships.

Keywords: Classical Period; Private Loan; Friendship Loan; Loan at Interest; Athens.

1. INTRODUCTION

Personne ne peut nier la valeur de l’argent dans une société au point où l’on a pris l’habitude d’affirmer depuis l’Antiquité que « […] l’argent est le nerf de toutes choses […] »1. Mais, il arrive parfois qu’une cité ou un particulier n’ait pas l’argent nécessaire pour ses dépenses. D’où la nécessité pour la cité ou pour le citoyen de recourir au prêt.

Dans les cités grecques, on distinguait les emprunts publics et les emprunts privés. Le premier type a été largement abordé par l’historien canadien, L. Migeotte, qui a publié l’emprunt public dans les cités grecques, recueil de documents et analyse critique et les finances des cités grecques aux périodes classique et hellénistique. Dans ces deux ouvrages, L. Migeotte fait de longs développements sur les prêts que les cités grecques sollicitèrent auprès des citoyens ou des temples pour leurs dépenses de guerre, d’approvisionnement en grain, de fourniture d’huile, et de construction des édifices.

Le second type d’emprunt à savoir les prêts privés a été aussi abordé par quelques historiens. Au nombre de ceux-ci, citons R. Bogaert2 qui évoque les prêts faits par les banques ou les temples aux particuliers. Citons également A. Bresson, R. Bogaert, P. Millett qui ont consacré quelques pages sur les prêts maritimes et les ἔρανοι3. Ajoutons également que M. I. Finley4 , Éd. Cohen5 et Chr. A. Thomsen6 ont concentré leurs travaux sur les groupes de sociabilité qui intervinrent pendant les ἔρανοι.

Au regard de ce qui précède, aucune étude, jusqu’à preuve du contraire, ne s’est penchée sur les prêts contractés exclusivement entre particuliers. C’est la raison pour laquelle, nous jugeons utile de combler cette lacune. Cependant, nous n’abordons pas les prêts maritimes entre particuliers car ayant été largement abordés par les différents auteurs précités.

À propos des prêts, il faut distinguer deux types qui sont l’ἔρανος et le δάνειον. L’ἔρανος dans sa définition originelle signifie le repas où chacun apporte sa part. Il signifie également un prêt sans intérêt fait par des amis7. Il est également défini comme un prêt gratuit parce que les prêts sans intérêt étaient assimilés à des dons8. L’ἔρανος peut être soit une contribution individuelle, soit une contribution collective9. À partir du milieu du Ve s. le sens du mot ἔρανος comme un repas commun est progressivement supplanté dans les textes par ἔρανος comme un prêt d’argent. Mais le sens premier ne disparut pas tout au long de la période classique10. Cependant, les historiens ne s’accordent pas sur les modalités de ce type de prêt. À l’opposé de l’ἔρανος, le δάνειον signifie un prêt à intérêts.

Notre étude s’inscrit à Athènes et nous nous appuyons principalement sur les plaidoyers civils parce qu’ils donnent beaucoup détails sur les transactions qui se sont déroulées entre les citoyens d’une part et d’autre part entre citoyens et métèques. Étant donné que les prêts étaient octroyés selon certaines conditions, nous nous posons la question de savoir les garanties, les échéances et les intérêts. En outre, considérant que les prêts sont demandés pour exécuter certaines dépenses, nous cherchons à connaître les motifs qui poussèrent certains Athéniens à s’endetter. De ces deux interrogations principales, nous abordons dans une première partie de cette étude, les conditions d’octroi des prêts privés et dans une seconde partie les différents motifs qui poussèrent certains Athéniens à contracter des dettes.

2. LES CONDITIONS DOCTROI DES PRÊTS PRIVÉS

Les prêts octroyés à des clients par les institutions bancaires étaient soumis à un certain nombre de conditions. Ce qui laisse croire qu’il en est de même pour les prêts privés.

2.1. La présence des témoins comme garantie

Les prêts étaient en général accordés devant des témoins. Un passage d’un plaidoyer de Démosthène nous relate les conditions dans lesquelles la femme d’un certain Polyeucte prêta la somme de 1800 drachmes à un certain Spoudias. À ce propos, le plaideur affirma :

[…] cet argent, il l’avait emprunté à la femme de Polyeucte ; il y a des écrits, que cette femme a laissés en mourant; il y a des témoins, les frères de la morte, qui ont assisté à tout et qui lui ont fait reconnaître la créance point par point, ne voulant pas qu’il y eût motif à contestation entre nous11.

La présence des témoins lors de l’octroi d’un prêt était donc une garantie. Comme le souligne l’orateur dans le texte, toutes ces garanties sont prises pour ne pas qu’il y ait des motifs de contestation entre les parties. Survenait-il des situations où des prêts privés étaient contractés sans témoins ? L’évocation de quelques exemples pourrait nous permettre de nous prononcer. Apollodore nous apprend que Nééra avait remis à Prynion du dème de Paenia la somme qu’elle avait collectée auprès de ses autres amants à titre de prêts gratuits pour son affranchissement de Timanoridas de Corinthe et Eucratès de Leucade12. Même si Apollodore ne souffle aucun mot de la présence ou non des témoins, il est probable que Nééra reçut les prêts sans la présence de ces derniers car en toute logique, il n’était pas nécessaire que des personnes avec qui elle avait entretenu des relations intimes fassent appel à des témoins pour lui prêter de l’argent. Dans un autre plaidoyer attribué à Lysias, le plaideur affirme qu’Eschine le Socratique vint le trouver et lui demanda de ne pas permettre que, faute de payement des intérêts pour des prêts qu’il avait contractés avec deux banquiers, ses biens fussent saisis13. Dans cet autre exemple, il est également possible de soutenir que le prêt se conclut sans témoin en raison du fait qu’Eschine le Socratique et le plaideur étant amis, il n’était pas non plus nécessaire que des amis fassent appel à des témoins pour régler une transaction. En outre, il faut ajouter le fait que si les prêteurs des deux exemples mentionnés avaient en esprit l’intention de faire un don, il était tout à fait normal qu’ils ne fassent pas appel à des témoins14. Au total, il est possible d’affirmer que si certains δάνεια se concluaient en présence de témoins, les ἔρανοι par contre n’exigeaient pas de témoins. Par ailleurs, en dehors de cette condition, l’octroi des prêts privés exigeait quelque condition telle que la remise des sûretés.

2.2. Les sûretés

2.2.1. Les sûretés des δάνεια

Les sources font souvent allusion aux garanties offertes par les débiteurs à leurs créanciers lors des δάνεια. Quelques exemples pourraient illustrer notre propos : autour de l’an 368, Apollodore, le fils du banquier Pasion, hypothéqua une maison de rapport pour permettre à son ami Nicostratos d’emprunter de l’argent pour payer une rançon15. En 361/0, le même Apollodore hypothéqua une terre à deux citoyens d’Athènes, Thrasylochos et Archénéos, afin d’obtenir un prêt de 30 mines16. En outre, s’agissant de Timothée, le fils de Conon, Apollodore affirma « […] Son domaine de la plaine était constitué en garantie au fils d’Eumélidès, et le reste de sa fortune était hypothéqué à chacun des soixante triérarques 17[…] »; L’hypothèque se présente comme une sûreté que le créancier exige pour se protéger contre le risque de non-paiement. Cette sûreté n’est pas mise à sa disposition pour qu’il s’en serve. Cependant, s’il le fallait, cette sûreté lui permettrait de retrouver de façon plus certaine les fonds prêtés18. La pratique répandue à Athènes, puis la règle en fait, était le maintien de la propriété par le débiteur dans tous les types d’hypothèques jusqu’à ce que la dette soit payée ou jusqu’à ce que le créancier soit capable de récupérer la propriété pour défaut de paiement19. Cependant, il serait intéressant de se poser la question de savoir s’il arrivait que l’on obtienne un δάνειον sans fournir de biens comme garanties.

Dans le discours rédigé contre Timothée, Apollodore, le fils du banquier Pasion affirma également que le stratège emprunta avec plusieurs autres citoyens sans hypothèques parce qu’il n’avait pas de gages à fournir en contrepartie20. Ce passage montre qu’il est possible de prendre un δάνειον sans nécessairement fournir de garantie. Étant donné que Timothée ne donna aucune garantie qui permît aux créanciers de se payer en cas de non-remboursement, il est possible d’affirmer que leur remboursement ne reposa sur aucune certitude. Autrement dit, la seule certitude d’obtenir le remboursement d’un prêt est l’apport d’une garantie.

Le fait que Timothée ait obtenu des δάνεια sans hypothèques pourrait s’expliquer par quelques raisons : la première est sans doute fondée sur l’amitié. Lorsqu’il n’existe pas d’amitié dans une relation, il n’est pas certain d’obtenir un prêt sans hypothèque. C’est la raison pour laquelle Apollodore affirma que, Pasion, son père ne prêta pas 1000 drachmes à l’amiral béotien, car ils n’étaient pas amis21. La seconde raison repose sur la renommée : Timothée était le fils du célèbre Conon, le vainqueur de Cnide en 394/3, donc bien connu de tous les citoyens comme appartenant à l’élite de la société athénienne. Cette renommée lui ouvrit certaines portes lui permettant d’obtenir les prêts dont il avait besoin. La troisième raison réside dans l’appartenance à la classe censitaire : à Athènes les citoyens qui possédaient une fortune d’au moins 3 talents étaient classés parmi les plus riches de la cité et étaient susceptibles d’exécuter l’une des trois liturgies considérées comme étant les plus onéreuses, à savoir la triérarchie, la chorégie et la gymnasiarchie22. Enfin, une autre raison résidait peut être dans l’urgence de la situation. Timothée devait exécuter une mission capitale pour la cité et il lui fallait nécessairement obtenir les moyens financiers23. S’il est certain que pour obtenir un δάνειον il fallait donner une sûreté, nous pouvons nous demander si ce fut également le cas pour les ἔρανοι.

2.2.2. La question des sûretés des ἔρανοι

L’exploration de la documentation laisse découvrir d’une part que des créanciers avaient accordé des ἔρανοι à des débiteurs sans aucune remise de bien en garantie. Dans le discours qu’Apollodore dirigea contre Nééra, le plaideur ne mentionne aucune sûreté offerte par cette dernière lorsqu’elle obtint des ἔρανοι avec ses anciens clients24. De même, lorsqu’il s’était agi de réunir des fonds pour affranchir Midas et ses enfants, un certain Épicrate reçut des ἔρανοι sans fournir de garanties25. En outre, Eschine le Socratique contracta auprès de son ami et des marchands de son quartier des ἔρανοι sans qu’il ne donne des garanties26. Il fut donc possible de contracter des ἔρανοι sans fournir de gage. D’autre part, nous retrouvons un seul passage où il est question de garantie fournie lors d’un ἔρανος. Ce passage se rapporte à un certain Aristophane fils de Nicophèmos qui collecta les fonds auprès de ses proches, ce qui laisse croire qu’il s’agissait d’ ἔρανοι, en offrant une garantie afin d’exercer une triérarchie autour de l’an 38027. Cependant, l’orateur Lysias ne donne pas la nature de la garantie que son client avait fournie. Nous pensons que ce seul exemple de garantie retrouvé à Athènes suffit pour affirmer que des garanties étaient fournies pour des ἔρανοι. Hormis les sûretés, les prêts en général comprenaient une autre condition qui est les intérêts.

2.3. Intérêts et échéances des prêts privés

2.3.1. Les ἔρανοι étaient-ils des prêts sans intérêt?

Selon l’interprétation néo-classique et keynesienne, l’intérêt est une récompense pour l’attente ou une compensation du sacrifice de la liquidité28. Cependant, il semble ne pas avoir d’unanimité au sein des historiens quant à savoir si les ἔρανοι comprenaient des intérêts ou pas. La question semble difficile à trancher en raison du fait que la majorité des sources ne donne pas assez de détails au sujet des accords portant sur les ἔρανοι. Chr. Thomsen rapporte le fait que les créanciers soient presque toujours parmi le cercle d’amis immédiat de l’emprunteur a convaincu certains historiens que les ἔρανοι devaient avoir été nécessairement sans intérêt et donc amicaux29. Et les partisans de l’idée selon laquelle, les ἔρανοι étaient des prêts sans intérêt sont M. I. Finley30 et A. Bresson31. Il est probable que ces historiens se fondent sur le bon sens qui voudrait qu’un ami n’exige pas d’intérêt pour un prêt qu’il fait. Quelques exemples pourraient corroborer cette conception.

-dans le discours qu’il rédigea contre Nééra, Apollodore affirme que la courtisane remit à Phrynon du dème de Paenia l’argent qu’elle avait collecté auprès de ses autres amants à titre de prêt gratuit. Quand Apollodore évoqua les ἔρανοι accordés à Nééra, il ne fit allusion à aucun intérêt32. Dans ce cas précis, nous aurions pu obtenir beaucoup plus de précisions sur ces ἔρανοι si le discours avait été fait par Nééra elle-même. Mais, le fait que ce soit Apollodore laisse supposer qu’il n’ait pas eu toutes les informations concernant les différents ἔρανοι contractés par Nééra. Concernant les relations entre les courtisanes et leurs amants qui étaient en général des riches, nous savons que ces derniers leurs assuraient différents types de traitement qui étaient la remise de très fortes sommes d’argent et des cadeaux ainsi que l’entretien de la maison où elles vivaient33. En conséquence, il est fort probable que les ex amants de Nééra lui aient fait cette faveur de ne pas inclure des intérêts dans les ἔρανοι qu’ils lui accordèrent.

-quand il s’était agi de l’affranchissement de Midas et de ses enfants, le plaideur, un certain Épicrate, dans le but d’avoir l’argent nécessaire, obtint de ses amis des ἔρανοι. Dans le récit qu’il fit à ce sujet, il ne fit allusion également à aucun intérêt34. Soit le plaideur n’avait pas jugé nécessaire de mentionner l’intérêt dans sa narration, soit qu’il n’existait pas. Les plaideurs ayant pris l’habitude de donner les détails qui pouvaient renforcer leur défense, nous pensons que si les ἔρανοι comportassent des intérêts, les plaideurs les eussent mentionnés.

-quand Apollodore prêta à son ami Nicostratos un ἔρανος de 1000 drachmes, il affirma que le prêt était sans intérêt35.

Tous ces passages précités attestent qu’il y eut des ἔρανοι sans intérêt. Cependant, un texte de Lysias relatif à Eschine le Socratique pourrait faire croire que quelque ἔρανος pourrait comporter des intérêts. Dans ce passage, le plaideur affirma :

[…]Cet homme, juges, devait de l’argent au banquier Sosinomos et à Aristogiton pour un prêt à l’intérêt de trois drachmes, il vint me trouver et me demanda de ne pas permettre que, faute du payement des intérêts, ses biens fussent saisis : « Je suis en train de monter une maison de parfumerie », me dit-il ; « j’ai besoin de capitaux ; je te payerai neuf oboles d’intérêt par mine36 ». Je cédai à ces instances […]. Au reste, juges, ce n’est pas seulement avec moi qu’il en use de la sorte, mais avec tous ceux qui ont affaire à lui : ne voit-on pas les marchands de son quartier, chez qui il se sert à crédit, l’attaquer en justice pour se faire rembourser et lui fermer leurs boutiques […]. Toutes les fois qu’il recueille un prêt d’amitié […] il ne s’acquitte pas aux échéances : avec lui, c’est de l’argent jeté à la rue37.

Dans ce passage, le plaideur établit deux catégories de prêt. Le premier type qui comporta un intérêt fut contracté par Eschine le Socratique auprès des banquiers, Sôsinomos et Aristogiton. Le second type fut des prêts d’amitié puisqu’à la fin de son discours, le plaideur dit qu’Eschine ne rembourse pas les prêts d’amitié aux échéances fixées. Il nous semble donc que ce fut dans une situation exceptionnelle qu’Eschine le Socratique sollicita auprès du plaideur un prêt d’amitié dans lequel il lui proposait de lui payer neuf oboles par mine. Eschine le Socratique fit cette proposition parce qu’il craignit d’être en défaut de paiement auprès de ses créanciers et que ses biens fussent saisis par ces derniers. Le bon sens voudrait qu’un ἔρανος ne soit pas octroyé dans les mêmes conditions qu’un prêt bancaire. Car comme le dit Aristote : « […] entre amis tout est commun. [… 38». Dans les transactions personnelles entre parents, amis et voisins, il y avait une attente presque systématique d’une faveur réciproque à une date ultérieure : le prêt faisait partie d’une relation plus large. Dans les opérations de prêts impersonnels, où il n’y avait aucun lien existant entre le prêteur et l’emprunteur, ou le désir qu’un lien soit établi, le remboursement du prêt mettait fin à la relation et l’intérêt prenait le sens d’un paiement du service rendu39]. En définitive, nous pouvons affirmer qu’un ἔρανος ne comprenait pas d’intérêts. Cependant, dans des circonstances exceptionnelles, il arrivait que des intérêts fussent inclus dans ce type de prêts. En plus des intérêts, les prêts étaient aussi conditionnés par des échéances.

2.4. Les échéances

2.4.1. Les échéances des ἔρανοι

En ce qui concerne les termes, un ἔρανος ne devrait pas en principe fixer des termes de remboursement. Le remboursement n’était pas attendu tant que l’emprunteur n’avait pas les fonds ou pas du tout prévu40. C’est probablement la raison pour laquelle, dans la succession du père de Démosthène, l’on trouva de nombreux prêts gratuits non remboursés41. Nous avons quelques allusions très vagues des termes de certains ἔρανοι. C’est le cas de ceux contractés par Eschine le Socratique à propos desquels le plaideur affirme que le débiteur « ne s’acquitte pas aux échéances42». Par contre, nous avons quelque terme précis comme c’est le cas du prêt d’amitié fait par Apollodore à son ami Nicostratos qui devait le rembourser après un an43. En somme, nous pouvons déduire que les termes des ἔρανοι dépendait du bon vouloir du créancier qui pouvait laisser la latitude au débiteur de rembourser quand il le voulait ou qui pouvait lui fixer un délai ferme.

2.4.2. Les échéances des δάνεια

La plupart des taux d’intérêt des δάνεια étaient fixés par mois44. Ce qui sous-entend que les échéances s’étendaient dans un délai très court. Cependant, les sources ne donnent pas avec exactitude les termes de tous les prêts. Nous distinguons d’abord quelque allusion très vague des termes : c’est le cas de la dette contractée par le stratège Timothée auprès d’Antiphanès qui naviguait comme intendant de l’armateur Philippe45. Apollodore nous informe que Philippe et Antiphanès furent mécontents du retard que le stratège prenait pour s’acquitter des 1000 drachmes qu’il emprunta46. Mais Apollodore ne dit aucun mot sur les échéances du prêt. Nous avons ensuite quelque allusion très précise. C’est l’exemple du prêt contracté par Nicostratos avec des étrangers pour payer sa rançon. Ce prêt que nous considérons comme un δάνειον prévoyait que Nicostratos le rembourse dans un délai de trente jours. Passé ce délai, la dette doublerait et il perdrait l’acompte des 1000 drachmes47. Il est donc possible d’affirmer qu’à la différence des ἔρανοι, les δάνεια déterminaient des termes fixes et en cas de non- respect des délais, les sûretés du débiteur étaient saisies ou les intérêts de la dette doublaient. Pour reprendre l’exemple d’Eschine le Socratique, ce dernier dans l’incapacité de s’acquitter de la dette contractée auprès des banquiers Sôsinomos et Aristogiton, sollicita un prêt auprès de son ami pour ne pas que faute de paiement ses biens fussent saisis48. Au total nous considérons que tous les δάνεια prévoyaient des termes très fermes. À l’opposé, les ἔρανοι ne fixaient pas nécessairement des termes. En plus des échéances, les δάνεια et parfois les ἔρανοι fixaient des intérêts.

2.4.3. Les intérêts

Dans quelques passages de nos discours, nous retrouvons quelques informations relatives aux intérêts des prêts. Dans le passage se rapportant à Eschine le Socratique, le plaideur affirme que ce dernier lui demanda un prêt dont il payerait «neuf oboles d’intérêt par mine»49. Ce qui reviendrait à 1,5% par mois et donc à 18% l’an. En vue d’obtenir un prêt pour son ami Nicostratos, Apollodore emprunta de l’argent auprès d’Arkésas du dème de Pambotade au taux de huit oboles d’intérêt par mine et par mois50. Ce qui revient à 1, 33% par mois. Dans la succession du père de Démosthène, figurait une somme d’un talent prêté à raison d’une drachme à la mine51. Ce qui revient à un taux d’intérêt de 0,2 % annuel. Évergos et Nicoboulos prêtèrent 10.500 drachmes à Panténètos pour un atelier sis à Maronée et le louèrent à leur débiteur à une somme égale à l’intérêt de l’argent, soit 105 drachmes par mois52. Dans ce cas, nous obtenons un taux d’intérêt de 12% annuel. Apollodore sollicita auprès d’Archédèmos du dème d’Anaphlystos un prêt de 15 mines portant intérêt. Il obtint un autre prêt qui s’élevait à 800 drachmes avec un certain Nikippos avec un intérêt d’ 1/8 c’est-à-dire de 12 ½ % annuel53. Ces taux peuvent être comparés à ceux des prêts maritimes. Dans le plaidoyer du Contre Lacritos54, il nous est rapporté un contrat de prêt conclu à Athènes pour un voyage sur le Bosphore. Les prêteurs, Androclès de Sphettos et Nausicratès de Carystos prêtèrent 3000 drachmes à Apollodore de Phasélis. Le taux d’intérêt était de 22, 5% en cas de voyage à la belle saison et de 30%55 en cas de voyage plus long56. En comparant les taux d’intérêt des prêts privés au seul taux d’intérêt maritime en notre possession, il est aisé de constater que les taux des prêts privés sont moins élevés que ceux des prêts maritimes. En général, à Athènes, les taux d’intérêt annuel des prêts oscillaient entre 33 ½ et 10 pour cent57. Et le taux conventionnel des prêts mensuels était de 1 pour cent58. Cela sous-entend que certains prêteurs ne pratiquaient pas le taux d’intérêt conventionnel.

En somme, nous constatons que les δάνεια et les ἔρανοι n’étaient pas soumis aux mêmes conditions d’octroi. Car ces deux types de prêts différaient sur le recourt aux garants moraux, sur les sûretés, les échéances et les intérêts. En se conformant aux conditions soit du δάνειον soit de l’ἔρανος, le débiteur pouvait obtenir la somme qu’il voulait pour exécuter une dépense précise.

3. LES DIFFÉRENTS MOTIFS DES PRÊTS PRIVÉS

Durant l’époque classique, les citoyens et les non-citoyens furent confrontés à plusieurs types de dépenses privées et publiques. Ces dépenses exigèrent d’importantes sommes qu’ils n’avaient pas parfois à leur disposition. Ils furent alors contraints d’emprunter.

3.1. Les prêts pour des motifs religieux et funéraires

Un passage de la Paix d’Aristophane nous fournit un exemple de δάνειον pour une initiation aux Mystères d’Éleusis. À ce propos, Trygée, l’un des personnages de la comédie s’adressant à un de ses proches affirme : « Prête-moi alors trois drachmes pour acheter un petit cochon ; car il faut que je me fasse initier avant de mourir59 ». L’initiation évoquée par ce passage d’Aristophane se rapporte aux Grands Mystères. Il prouve que certains Athéniens désireux de se faire initier sans grands moyens eurent recourt aux prêts. Ce passage montre l’importance que certains Athéniens accordaient aux Mystères d’Éleusis au point où ils s’endettaient pour y prendre part. Ce passage atteste également que certains Athéniens ne pouvaient pas réunir cette somme. En dehors de l’achat du cochon, les mystes devaient payer une redevance aux prêtres d’Éleusis : le hiérocéryx avait droit à une demi-obole par myste et par jour; le hiérophante, à une obole et plusieurs autres ministres, parmi lesquels le prêtre de l’autel, touchaient aussi une demi-obole. Ce passage se rapporte à la deuxième purification générale qui avait lieu lorsque les candidats à l’initiation étaient réunis dans l’Éleusinion d’Athènes. Le cochon évoqué dans ce passage était sacrifié dans ce sanctuaire le 16 Boédromion60. Hormis les prêts pour des initiations, nous avons des passages qui évoquent des prêts pour l’organisation des funérailles d’un parent.

À ce sujet, un client de Démosthène affirme : «Pour les funérailles de mon père, j’ai emprunté mille drachmes à Lysistratos de Thoricos : c’est encore moi, personnellement, qui ai payé»61. Les dépenses les plus importantes se trouveraient dans la parure du défunt, la prothèsis, l’ekphora, la construction de la tombe, le repas, la cérémonie commémorative du troisième et du neuvième jour62. Selon Th. Bergk, un vêtement coûterait quelque chose comme 10, 12, 16 ou 20 drachmes63. La loi somptuaire de Solon limita le nombre de vêtements à trois. Ce qui sous-entend que les Athéniens de l’époque classique pouvaient dépenser autour de 60 drachmes, voire 100 drachmes pour les vêtements seuls. L’ekphora survenait au lendemain de la prothèsis, plus précisément le troisième jour. Les citoyens qui appartenaient à la classe des pentacosiomédimnes ou à celle des hippeis transportaient leurs défunts dans des chariots. Nous n’avons aucune idée du coût, mais nous supposons que le transport devait coûter certainement cher. Pour les sacrifices, les Athéniens utilisaient le bœuf. Bien que nous n’ayons aucun prix à notre disposition, nous savons néanmoins qu’il coûtait cher à l’époque classique64. Concernant les tombes, nous savons par des allusions, qu’une tombe pouvait coûter dix mines, soit 1000 drachmes65, d’autres avaient coûté cinq mille drachmes66. Des funérailles pouvaient coûter trois mines, soit trois cents drachmes67. Les banquets organisés pendant les funérailles étaient également des sources d’importantes dépenses. À l’époque archaïque, les aristocrates rivalisaient dans l’étalage de leurs richesses pendant les funérailles. Et ces compétitions se terminaient par des banquets somptueux. Solon n’ayant imposé aucune restriction au banquet68, il est probable que les Athéniens de l’époque classique aient dépensé d’importantes sommes d’argent pendant les repas funéraires, mais peut-être pas dans des proportions comparables aux banquets de l’époque archaïque. En somme, retenons qu’à Athènes, certains résidents durent emprunter d’importantes sommes d’argent pour se faire initier aux mystères d’Éleusis ou pour organiser les funérailles d’un proche. Hormis ces types de dépenses, l’on relevait des prêts pour des activités commerciales.

3.2. Les prêts pour des activités commerciales

Athènes étant l’une des plus importantes puissances économiques de la Grèce, plusieurs types d’activités commerciales s’y développèrent. Certaines activités commerciales avaient fleuri grâce aux prêts privés qui mettaient souvent en contact les citoyens et les métèques. Ce fut le cas des mines.

3.2.1. Les prêts pour des concessions

Dans un plaidoyer de Démosthène, un débiteur eut recours à plusieurs δάνεια pour acquérir un atelier garni de trente esclaves sis à Maronée. D’abord, il obtint d’un certain Mnésiclès du dème de Collytos un talent et 4.500 drachmes d’un certain Philésas d’Éleusis et Pleistor pour l’acquisition de l’atelier avec un certain Télémaque. Lorsque les premiers créanciers lui réclamèrent l’argent, il se tourna vers deux autres créanciers, Nicoboulos et Évergos. Il obtint de ces derniers la somme équivalente de 10.500 drachmes. Nicoboulos participa au prêt pour 4.500 drachmes et Évergos pour un talent. Par ce prêt consenti à Panténètos, Nicoboulos et Évergos devinrent les nouveaux propriétaires de l’atelier qu’ils louèrent à leur débiteur69.

Concernant l’affermage des mines, nous lisons dans le plaidoyer que : Mnésiclès se porta vendeur, auprès de nous, de l’atelier et des esclaves : il les avait achetés à Télémaque, le précédent propriétaire, pour le compte de Panténètos70.Ce passage semble en contradiction avec ce que nous savons des fermages des mines à Athènes. En effet, selon Aristote à Athènes, les polètes faisaient toutes les adjudications de l’État. Ils vendaient les mines avec le trésorier des fonds militaires et les administrateurs du théorique, en séance du Conseil, ils garantissaient la ferme des impôts à celui à qui le conseil l’avait adjugée par un vote à mains levées. De même, ils garantissaient les mines, aussi bien celles qui étaient en exploitation et vendues pour trois ans que celles qui étaient concédées et vendues pour dix ans71. Puisque c’étaient des magistrats de l’État qui procédaient à la vente des μέταλλα, et que les particuliers étaient obligés de se faire reconnaître par l’État le droit de les exploiter, il est clair que les mines faisaient en principe partie du domaine public. Et non seulement l’État en était le propriétaire, mais il était probable qu’il y ait d’autres, et les mines du Laurion constituaient un patrimoine perpétuel et incessible. Il serait, en effet, erroné de croire que les termes de vente et d’achat (πωλεῖν et πιπράσκειν72, πρίασθαι73, ἀποδιδόναι) employés à propos des mines en impliquaient l’aliénation définitive. Mais, il ne faut pas s’y tromper car il ne s’agissait ici que d’une vente fictive. Le concessionnaire achetait, par adjudication et pour un prix déterminé, une part des mines. De plus, il ne pouvait être dessaisi de son lot que pour une raison majeure, par exemple pour l’inexécution d’une des clauses du contrat qu’il passait avec l’État. Il peut, dans une certaine mesure, se considérer comme acheteur et propriétaire temporaire. Le concessionnaire ne pouvait ni vendre sa part à un tiers ni la léguer par héritage. 74. Nous sommes confortés dans notre position du fait que Panténètos ait loué la mine à la cité en raison du fait qu’il affirme que c’est par la faute d’Évergos qu’il aurait été inscrit sur la liste des débiteurs publics75.

Les particuliers qui désiraient acheter des concessions avaient le choix entre deux catégories de lots : les uns dits καινοτομίαι, les autres dits ἀνασάξιμα παλαιὰ μέταλλα. Le premier s’applique aux concessions vierges de tout travail ; le second aux concessions abandonnées pour une raison ou pour une autre par le premier acquéreur. Celles-ci ne demandaient qu’un faible capital pour être reprises ; celles-là comportaient des dépenses plus fortes, puisque le minerai était à trouver par des recherches préalables. Tous les trois ans ou tous les dix ans, suivant les cas, les lots de mines revenaient à l’État, qui pouvait en disposer à son gré, soit en faveur de l’ancien concessionnaire, soit en faveur d’un nouveau preneur76. En dehors des concessions minières, d’autres types d’activités commerciales telles que les parfumeries avaient été également montées grâce à l’emprunt.

3.2.2. Les prêts pour monter des ateliers

Pour revenir à Eschine le Socratique, ce dernier sollicita un ἔρανος de neuf oboles la mine pour monter une parfumerie77. Ce passage montre que nombreux personnages connus pour leurs activités politiques ou intellectuelles s’étaient adonnés également à des activités commerciales. On pourrait citer par exemple Démosthène qui faisaient du commerce maritime et prêtait à la grosse aventure78. Pour se lancer dans les activités commerciales, Démosthène s’était appuyé sur une partie de la fortune paternelle dilapidée par ses oncles. Cette fortune que certains historiens estimaient à près de 14 talents79, ne dépassa pas 10 talents80. En plus de son héritage, il faut ajouter les émoluments de sa carrière de logographe et l’argent gagné par le biais de la corruption81. Contrairement à Démosthène, Eschine le Socratique était issu d’une famille assez modeste car il était le fils d’un charcutier nommé Lysanias ou selon d’autres sources Charinos82. Cependant, à son retour d’exil en 356, il fit payer ses enseignements de rhétorique. Ce passage montre sans doute que ses revenus ne lui permirent pas de monter sa parfumerie et qu’il fut donc obligé de solliciter des prêts. Cependant, il est probable qu’il ne réussit pas à prospérer étant donné qu’il ne comptait pas parmi les grosses fortunes d’Athènes comme Démosthène qui fit partie de la classe liturgique.

Au total, l’on note qu’à Athènes plusieurs types d’activités commerciales prospérèrent. Au nombre de ces activités l’on retrouvait les concessions minières et les parfumeries et sans doute bien d’autres types de commerce qui avaient fleuri grâce aux prêts privés. Ce fait atteste que les prêts privés jouèrent un rôle majeur dans le développement du commerce à Athènes. Tout comme, ils le furent pour l’accomplissement des liturgies.

3.3. Les prêts pour des liturgies

Les liturgies étaient, en principe des prestations à la fois personnelles et financières, assurées dans le cadre du dème ou de la cité, par les personnes les plus riches de la cité. À l’exception des triérarchies réservées aux citoyens, les métèques pouvaient prendre en charge des liturgies83. Cependant, il arrivait qu’à cause du coût de certaines d’entre elles, telle que la triérarchie, des Athéniens furent astreints d’emprunter de l’argent à des particuliers.

Autour de 390/89, Aristophane fils de Nicophèmos emprunta une importante somme d’argent pour une triérarchie. À en croire Lysias, Aristophane obtint cet emprunt dans ces circonstances :

[…] quand les envoyés de Chypre arrivèrent pour conclure l’alliance, son zèle ardent n’épargna rien. Vous leur aviez accordé dix trirèmes et vous aviez réglé le reste par décret, mais ils manquaient d’argent pour le départ de la flotte : ils n’en avaient guère apporté avec eux, il leur fallait beaucoup en plus ; car ils louèrent alors les hommes d’équipage, ils louèrent des peltastes, ils achetèrent des armes. Ce fut justement Aristophane qui leur fournit la plus grande partie de l’argent : comme il n’en avait pas assez, il en obtint de ses amis à force de prières et en offrant sa garantie ; son frère avait fait chez lui un dépôt de quarante mines : dans son embarras, il y eut recours. La veille du départ de la flotte, il vint trouver mon père et lui demanda de lui prêter tout ce qu’il avait d’argent ; il en fallait encore, disait-il, pour la solde des peltastes. Il y avait chez nous sept mines ; il les reçut et les employa également84.

Aristophane avait exécuté deux triérarchies successivement de 392/91 à 391/90. En l’année 390/89, il était donc à sa troisième85. Dans les principes de la cité, un citoyen ne pouvait être soumis à une liturgie plus d’une année sur deux. Il faut donc comprendre l’action d’Aristophane d’une part par la générosité qu’il voulait montrer dans les devoirs que la cité imposait à ses citoyens. D’autre part par l’agon, l’esprit de compétition, qui poussait les riches à rivaliser dans le but de se montrer supérieur à leurs concitoyens astreints à la même charge86. Et il est tout à fait évident qu’après avoir supporté les deux premières triérarchies, qu’il n’ait plus assez de moyens pour faire face à cette troisième. L’obligation d’effectuer la triérarchie pour le compte d’Athènes engagée aux côtés du roi Évagoras de Chypre en guerre contre le Grand Roi Artaxerxès II le contraignit à solliciter des ἔρανοι auprès de ses proches. Les deux adversaires furent des alliés qui apportèrent un soutien à Athènes contre Sparte pendant la guerre de Corinthe (395-387). Le roi Évagoras de Salamine était aux côtés des Athéniens durant la bataille de Cnide de 394/3. De même, Artaxerxès II par l’entremise du satrape Pharnabaze mit à la disposition de Conon, un rescapé d’Aigos Potamos réfugié auprès du dynaste de Chypre sa flotte. Le soutien du roi Évagoras et de Pharnabaze permit à Athènes d’écraser la flotte lacédémonienne dirigée par le navarque spartiate Peisandros. Mais après la victoire athénienne, les relations entre le dynaste de Chypre et le Grand Roi ne tardèrent pas à se dégrader au point où ils en vinrent à un conflit ouvert. La détérioration des relations entre le dynaste de Chypre et le Grand Roi entraîna la suspension de l’aide perse à Athènes. Car le Grand Roi craignait le rétablissement de l’hégémonie d’Athènes sur les cités grecques d’Asie Mineure où il voulait maintenir ses possessions d’avant la guerre du Péloponnèse (431-404)87. Lorsque la guerre éclata entre Évagoras et le Grand Roi, le dynaste de Chypre sollicita l’aide d’Athènes son allié.

Athènes fournit comme aide au dynaste de Chypre une flotte équipée par les citoyens dans le cadre de la triérarchie. Cette liturgie, exécutée par les plus riches, consista à équiper et éventuellement commander une trière pour une durée d’un an. Cependant, dans les faits, le triérarque était principalement financier plutôt qu’officier de l’armée dont il fallut dès le départ pour faire fonctionner la flotte88. La plupart des érudits, suivant Xénophon, sont unanimes que l’aide d’Athènes consista en l’envoi au roi Évagoras de deux flottes de dix trières chacune. La première commandée par le stratège Philocrates fut expédiée peu de temps après le déclenchement de la guerre de Chypre. Cette flotte fut capturée par le navarque spartiate Teleutias de Rhodes89. La seconde qui s’effectua deux ou trois ans plus tard, commandée par le stratège Chabrias parvint à atteindre l’île90. S’agissant de la question de savoir laquelle des deux flottes fut équipée par Aristophane, la plupart des érudits penchent pour la première. Cependant, P. J. Stylianou pense que les Athéniens expédièrent plutôt trois et non deux flottes91.

Durant les années qui suivirent la guerre de Corinthe (395-387), nous retrouvons d’autres exemples de prêts privés contractés également dans le cadre de la triérarchie. En l’année 373/2, selon Apollodore, le fils du banquier Pasion, le stratège Timothée « […] étant à Calaurie, […] emprunta 1.000 drachmes à Antiphanès de Lamptra, qui naviguait comme intendant de l’armateur Philippe, pour les distribuer aux triérarques béotiens […]»92. L’année en question, les Athéniens décrétèrent, après la paix avortée de 374/3 entre leur cité et Sparte une nouvelle expédition en mer Ionienne93. Cette expédition eut pour but de défendre la cité de Corcyre que les Spartiates tentèrent de regagner94.

Timothée dû contracter un δάνειον de 1000 drachmes pour satisfaire les exigences des Béotiens qui réclamaient un solde en nourriture. Au IVe s., il existait une distinction très nette entre le salaire proprement dit du combattant (le misthos) et l’indemnité de nourriture, le sitèrésion pour son versement en espèces, la trophè pour sa fourniture en nature. Un matelot touchait, le misthos et le sitèrésion compris, trente drachmes par jour. Cependant, il arrivait que la solde soit réduite à la seule indemnité de nourriture qui n’était que deux oboles95.

À part cet exemple, une autre occurrence de prêt privé se situe en l’année 362/1. Cette occurrence est d’Apollodore qui prit de multiple δάνεια dans le cadre de sa triérarchie. Dans le premier cas d’emprunt, il affirma :

Tels étaient mes embarras quand le stratège Timomachos m’ordonna de faire voile vers Hiéron pour convoyer les blés, mais sans me donner d’argent pour la solde : la nouvelle était venue que les gens de Byzance et de Chalcédoine recommençaient à donner la chasse aux bateaux de commerce et les forçaient à décharger leurs blés. J’empruntai à Archédèmos, du dème d’Anaphlystos, 15 mines portant intérêt ; au patron Nikippos, qui se trouvait à Sestos, 800 drachmes, dont j’assumai le remboursement au denier huit, à titre de prêt maritime, pour le cas où le vaisseau reviendrait sauf à Athènes96.

L’année 362/1 semble avoir été une année de pénurie de vivres pour toute la Grèce et il est probable qu’elle ait été particulièrement mauvaise en Attique. Dès le mois d’août, peu à après la récolte, le prix des céréales grimpa et les céréales se raréfièrent sur le marché du Pirée. Byzance, Chalcédoine et Cyzique capturèrent la flotte céréalière à la fin de l’été 362/197. Saisir des navires, les tirer vers un port, les contraindre à décharger leur cargaison est décrit comme « un droit tacitement reconnu » de toute cité souffrant de pénurie de céréales plutôt qu’un acte de guerre. Le seul recours était d’envoyer une escadre pour escorter les convois de céréales. Les captures pratiquées par d’autres cités et la piraterie constituaient une menace très inquiétante98. D’où l’impérieuse nécessité dans laquelle se trouvait Apollodore d’exercer cette triérarchie, même s’il se trouvait dans des embarras financiers. Au cours de la même triérarchie, il s’imposa à Apollodore de recourir à un autre emprunt dont il décrit les circonstances dans ce passage :

[…], mais, comme les matelots réclamaient de l’argent pour acheter des vivres, une fois encore je vins le trouver, accompagné de témoins, et je lui demandai si, oui ou non, il s’était embarqué avec de l’argent pour venir me remplacer. Il me répondit qu’il était venu avec de l’argent : je le priai alors de m’en prêter en prenant hypothèque sur les agrès, afin que je puisse distribuer la solde aux matelots et ramener le navire qu’il ne voulait pas recevoir, quoique mon successeur. À cette demande, il répondit qu’il ne me prêterait pas un liard. J’empruntai alors à des Ténédiens, hôtes de mon père, Cléanax et Epératos, et je payai aux matelots la solde de nourriture. Fils de Pasion, d’un homme qui avait tant de liens d’hospitalité et tant de crédit dans toute la Grèce, je ne manquais pas de prêteurs à qui m’adresser99.

Le témoignage d’Apollodore prouve que l’emprunt s’imposait à lui, car la solde de l’équipage était un autre chapitre important des débours auquel était associé le triérarque. Durant la guerre du Péloponnèse (431-404), le taux moyen de la solde varia de trois oboles à une drachme. À l’IVe s., l’on estima à quatre oboles, le misthos du combattant, fantassin ou matelot100.

Nous constatons que pendant que Timothée et Apollodore étaient en expédition, ils furent contraints à emprunter de l’argent parce qu’ils n’en avaient pas suffisamment en leur possession. Une telle situation peut s’expliquer par quelques facteurs qui sont entre autres:

- l’embarras financier du triérarque : dans le cas de Timothée, bien qu’en 380, il ait une fortune qui avoisinait 20 talents, en 373, il avait de gros embarras financiers qui se justifiaient par diverses dettes privées et publiques101. Il est donc probable qu’en raison de ses soucis financiers, Timothée n’ait pu emporter une somme conséquente pour son expédition. La disposition d’une telle somme d’argent lui aurait permis de faire face aux imprévus de la mission.

- l’exercice de la triérarchie au-delà du terme : ce fut le cas d’Apollodore qui, face au refus de Polyclès, son syntriérarque, de prendre la relève, fut contraint de continuer la triérarchie et à assurer les frais. Cette situation a duré plus de cinq mois102.

- le triérarque pouvait être confronté à d’autres dépenses imprévues : il pouvait recevoir de son prédécesseur des agrès plus ou moins utilisables bien qu’il fût tenu de les lui remettre en bon état103. Dans ce cas, le triérarque était obligé de s’acheter des agrès en bon état.

- les dépenses supplémentaires : le triérarque pouvait être amené à effectuer des suppléments de paye pour l’équipage quand il était de qualité douteuse. En outre, il pouvait, pour sa propre renommée, faire des « dépenses de prestige ». Ce fut le cas d’Apollodore qui s’attirât délibérément des dépenses supplémentaires parce qu’il voulait un navire bon marcheur, très bien équipé et plus orné que les autres104. Compte tenu du poids de la triérarchie, il est tout à fait normal qu’à un moment donné, il n’ait plus suffisamment d’argent pour faire face aux dépenses. Tous ces facteurs liés ou isolés amenaient nécessairement le triérarque à s’endetter au cours d’une expédition.

En somme, retenons que les périodes durant lesquelles des citoyens furent sollicités pour exercer leurs triérarchies furent cruciales pour la cité. Ce furent des périodes où Athènes devait intervenir soit pour apporter son aide à une cité alliée (par exemple Chypre et Corcyre) soit assurer l’approvisionnement de la cité en blé à une période de pénurie. Bien que les personnes en charge des liturgies aient été à certaines occasions à court de grands moyens, elles bénéficièrent, néanmoins, de prêts d’amis ou de prêts à intérêts. Ces différents épisodes au cours desquels les prêts furent contractés montrent à quel point ils furent déterminants pour l’exécution des liturgies. Hormis l’apport des prêts privés pour la réalisation des liturgies, ils contribuèrent également à des affranchissements.

3.4. Les prêts pour l’affranchissement et la libération des captifs

À Athènes, il y eut des cas d’affranchissements et des libérations de captifs qui se situèrent soit dans le cadre des guerres et de la piraterie soit dans le cadre social.

À travers les plaidoyers, retenons un exemple de prêt d’amitié pour le paiement d’une rançon. Apollodore, qui accorda un ἔρανος à son ami Nicostratos capturé pendant qu’il poursuivait ses esclaves en fuite, affirme :

[…] il me demandait de l’aider comme l’ami véritable que j’avais été jusque-là ; il me dit en pleurant qu’il avait été libéré contre une rançon de vingt-six mines, au paiement de laquelle il me priait de contribuer. Je lui répondis que j’avais toujours été, en effet, un véritable ami pour lui et qu’aujourd’hui encore je l’assisterais dans le malheur : je lui faisais remise des trois cents drachmes que j’avais données à son frère pour les frais du voyage, et je contribuerais pour mille drachmes à un prêt d’amitié en vue de son rachat105.

Nicostratos avait été capturé et vendu mis en vente sur le marché d’esclave d’Égine où il avait été racheté par deux étrangers106. Il a pu bénéficier d’une perspective de salut étant donné qu’il a été racheté et remis en liberté moyennent le remboursement de son prix d’achat. Cette possibilité n’était offerte qu’à un homme libre107. Selon la législation attique, tout captif ou tout prisonnier racheté demeurait engagé vis-à-vis de celui qui avait l’argent libérateur, aussi longtemps que cette somme n’était pas remboursée108. Nicostratos était donc dans l’obligation de rembourser la rançon de 2600 drachmes s’il voulait échapper à la servitude.

Ce texte montre que la piraterie était un fléau largement répandu sur les eaux maritimes de la Grèce dans la première moitié du IVe s. En outre, il nous apprend que des citoyens capturés étaient asservis et les rançons exigées pour leur libération étaient très élevées. Par ailleurs, il y eut probablement de nombreux captifs qui étaient incapables de payer leurs rançons. Dans ce cas, pour une rançon de 2600 drachmes, Apollodore agit en vrai ami car bien que n’ayant pas la somme, il fut contraint de s’endetter auprès du banquier Théoclès en hypothéquant des coupes et une couronne d’or109. L’action posée par Apollodore témoigne qu’à Athènes, il existait une très forte solidarité entre des citoyens appartenant à la même classe.

Outre cet exemple d’affranchissement, évoquons des δάνεια pour la libération des captifs après la prise d’Olynthe de 349/8. L’orateur Démosthène qui y fut impliqué déclara :

Parlons maintenant des captifs que j’ai moi-même rachetés avant l’arrivée de Philippe, pendant notre séjour à Pella. Quelques-uns, relâchés sous caution, n’espérant plus, je crois, fléchir le prince, me dirent : nous aimons mieux nous racheter nous-mêmes que d’avoir cette obligation à Philippe. Ils m’empruntèrent donc celui-ci trois mines, celui-là cinq ; d’autres, la rançon nécessaire à chacun. Mais, lorsque Philippe fut convenu de renvoyer le reste des prisonniers, rassemblant ceux à qui j’avais prêté, je leur rappelai ce qui s’était passé entre nous ; et, pour que des citoyens pauvres, rachetés à leurs dépens, n’eussent pas à se repentir de leur précipitation, tandis que leurs compagnons s’attendaient à être affranchis par le prince, je leur fis présent de leurs rançons […]110.

Lors de la première ambassade envoyée au souverain Philippe II de Macédoine en février 346/5, Démosthène participa au rachat des Athéniens faits prisonniers pendant la prise d’Olynthe par Philippe II en 349/8. Durant l’année en question, Philippe vint à la rupture avec Olynthe lorsque cette dernière refusa de lui livrer ses deux demi -frères, sans doute prétendants à la couronne qu’elle avait accueillis. Philippe avait alors assiégé la cité. Mais cette dernière qui s’était alliée à Athènes dès 352111 lui fit appel. Athènes envoya deux flottes en septembre 349/8 qui remportèrent quelques succès initiaux non-décisifs comme le rapporte l’historien Philochore112. En 348/7, malgré un ultime renfort composé de deux mille hoplites et trois cents cavaliers qui n’arrivèrent pas à temps, la cité d’Olynthe fut prise et son châtiment fut exemplaire. La ville fut rasée, ses habitants réduits en esclavage, les soldats athéniens enfermés faits prisonniers113. Démosthène fut donc résolu à accorder d’une part des δάνεια à certains captifs qui en firent la demande et d’autre part à payer les rançons des plus démunis114. L’action de Démosthène pourrait se justifier par le rôle prépondérant qu’il jouait dans la lutte contre Philippe II de Macédoine et à cause de la position importante qu’il occupait en tant qu’ambassadeur choisi par la cité. Il prouve également que le rachat des prisonniers était un acte civique qui s’étendait au-delà de la famille, des amis, jusqu’à inclure l’ensemble du corps des citoyens115.

Hormis les prêts privés pour la libération des captifs de guerre et de piraterie, évoquons ceux contractés pour l’affranchissement des esclaves. Pour ce cas, nous nous appuyons sur le témoignage rendu par Apollodore, le fils du banquier Pasion, à propos de l’affranchissement de Nééra affirme :

À son [Phrynon du dème de Paenia] arrivée, elle lui rapporte ce que lui avaient dit Eucratès et Timanoridas ; elle lui remet l’argent dont elle avait fait la collecte auprès de ses autres amants et qu’elle avait perçu à titre de prêt gratuit en vue de sa liberté ; elle y ajoute ses petites économies ; elle lui demande de compléter la somme de vingt mines et de verser le tout à Eucratès et à Timanoridas pour prix de son affranchissement116.

Nééra117 était une courtisane qui exerça son métier à Corinthe, Mégare et Athènes. Elle faisait partie du groupe de jeunes filles acquises par Nicarété qui les utilisait pour gagner sa vie118. À Athènes un esclave avait la possibilité de s’affranchir en remboursant à son maître son prix d’achat119. Cependant, les sources évoquent rarement de telles pratiques dans cette cité. Et il est possible que cette pratique fût rare à Athènes, comparativement à Rome, et par conséquent a laissé peu de traces dans les registres historiques. Le cas de Nééra en est l’un des rares évoqué par les sources120. Les esclaves travaillaient pour le compte de leurs maîtres dans plusieurs secteurs de l’économie tels que les mines, l’agriculture, l’artisanat, l’architecture, voire la marine. L’esclave qui travaillait pour le compte de son maître lui reversait une part de son gain, l’apophora121. Il gardait une partie pour lui-même et l’utilisait pour payer son affranchissement qui était proche de son prix d’achat122. Dans le cas qui nous concerne, Nééra fut achetée à 30 mines à Corinthe comme une esclave sexuelle à Nicarétè par deux jeunes hommes, Timanoridas de Corinthe et Eucratès de Leucade. Les propriétaires de Nééra lui firent une remise de 1000 drachmes parce qu’ils voulaient lui donner l’opportunité d’avoir aisément les moyens de devenir libre et de quitter Corinthe. Nééra utilisa donc, entre autres moyens de collecte de fonds, les prêts d’amitié qu’elle obtint parce qu’elle avait préservé ses relations avec ses anciens clients.

Utilisons cet autre exemple provenant de l’orateur Hypéride qui, dans son discours contre Athénogène évoque également le recours aux ἔρανοι pour l’affranchissement de trois esclaves. À travers ce passage, le plaideur, un certain Épicrate, relate les circonstances dans lesquelles, il parvint à obtenir ces ἔρανοι :

Finalement, pour ne pas allonger mon récit, m’ayant de nouveau mandé plus tard, elle me dit, qu’après avoir dépensé bien des paroles auprès d’Athénogène, elle était arrivée, non sans peine, à le rallier à son avis et à lui faire accepter, pour m’être agréable, d’affranchir sans aucune réserve Midas et ses deux fils à la fois contre la somme de quarante mines ; en même temps, elle me pressait de tenir l’argent prêt au plus vite, avant qu’il ne vînt à Athénogène quelque idée de se raviser. Alors, moi, je rassemble les fonds de toutes parts, j’importune mes amis, je dépose à la banque les quarante mines, et me voilà de retour chez Antigona123.

Contrairement à l’exemple de Nééra qui en tant qu’esclave sexuelle devait réunir elle-même les fonds pour s’affranchir, dans ce cas, il s’agit d’un affranchissement obtenu par une tierce personne. Cette dernière se nommait Épicrate et il était épris d’un jeune esclave qui, avec son frère et son père Midas tenait pour le compte d’un certain Athénogène une parfumerie sur l’agora. Afin de l’avoir pour lui, il demanda au maître de l’esclave, Athénogène, de l’affranchir moyennant remboursement de sa valeur. Athénogène, aidé par sa maîtresse, une certaine Antigona, réussirent à convaincre Épicrate à payer l’affranchissement non seulement du jeune esclave, mais aussi de son frère et de son père124. Dès cet instant, pour y parvenir il recourut à des ἔρανοι.

Il est donc évident que la solidarité de classe, les relations entre amants, l’engagement politique de quelque citoyen furent au nombre des facteurs qui permirent à des captifs, des esclaves et des potentiels acquéreurs d’obtenir des δάνεια ou des ἔρανοι pour régler soit des rançons ou soit rembourser des prix d’achat.

4. CONCLUSION

L’étude des prêts entre particuliers montre la solidarité que des membres d’une même classe sociale, d’un même milieu d’affaire ou des personnes ayant des relations amantes entretinrent à Athènes à l’époque classique. Elle prouve que les particuliers ne contractèrent pas exclusivement leurs prêts avec les banques ou les sanctuaires, mais que les prêts entre particuliers étaient largement répandus à Athènes.

Au sujet des conditions d’octroi, l’έ̓ρανος qui se définit comme un prêt d’amitié n’était pas soumis à une condition particulière. À l’opposé le δανειον qui est un prêt à intérêt exigeait des sûretés, des intérêts et des échéances déterminés.

L’έ̓ρανος et le δάνειον intervinrent dans l’organisation des funérailles, l’exercice d’une liturgie, le paiement de la rançon d’un prisonnier de guerre ou de la piraterie, l’affranchissement d’un esclave, le paiement d’une initiation, et le développement d’une activité commerciale.

Athènes ne fut donc pas une société où les résidents vivaient en autarcie. Ils développèrent une solidarité à une grande échelle qui permit à certains citoyens de sortir souvent de certaines situations désespérées. On pourrait se demander si les prêts entre particuliers se développèrent dans les autres cités grecques comme ce fut le cas à Athènes.

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Pritchett, William Kendrick, The Greek State at War, Part. I, London: University of California Press, 1971.

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Migeotte, Léopold. Les finances des cités grecques aux périodes classique et hellénistique, Paris: les Belles Lettres, 2014.

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Millett, Paul. Lending and Borrowing in Ancient Athens, Cambridge: Cambridge University Press, 1991.

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Wyse, William, The Speech of Isaeus, Hildesheim, 1967.

_______________________________

1. Plut., Cléom, 48, 1.

2. Bogaert, Banques et banquiers.

3. Bresson, L’économie, 67-72; Bogaert, « Banquiers, courtiers », 140-156 ; Millett, Lending and Borrowing, 188-196.

4. Finley, Studies in Land, 100-106.

5. Cohen, Athenian Economy, 209-2015.

6. Thomsen, « The Eranistai ».

7. Chantraine, Dictionnaire étymologique, 364.

8. Cf. notice, Dém., 53. C. Nicostratos, 86 ; Dém. 27. C. Aphobos I, 25; Millett, Lending and Borrowing, 100. Dém. 53. C. Nicostratos. 9. Apollodore affirma « καὶ τοῦτο ἔδωκα δωρεὰν αὐτῷ τὸ ἀργύριον ».

9. Millett, Lending and Borrowing, 153.

10. Xén., Mém., 3, 14, 1; Millett, Lending and Borrowing, 155.

11. Dém., 41. C. Spoudias, 9.

12. Dém., 59. C. Nééra, 31.

13. Lys., 38. Contre Eschine le Socratique, 1.

14. La variété des mots grecs signifiant donner et prêter sont inextricablement liés. D’un côté, les mots courants donner et faire un don ont aussi le sens de prêter et emprunter. D’un autre côté, les mots ayant le sens de prêter ont tous le sens secondaire de donner. Millett, Lending and Borrowing, 28.

15. Dém., 53. C. Nicostratos.

16. Dém., 50. C. Polyclès, 13.

17. Dém., 49. C. Timothée, 11.

18. Benmessaoud, Les garanties des crédits, 3.

19. Finley, Studies in land, 12.

20. Dém., 49. C. Timothée, 61.

21. Dém., 49. C. Timothée, 50.

22. Brun, Eisphora, Syntaxis, 19 ; Aka, Finances publiques, 21 ; Timothée devint très riche après la mort de Conon, son père, avec un patrimoine avoisinant 20 talents (Davies, Athenian, 509).

23. Dém., 49. C. Timothée, 11.

24. Dém., 59. C. Nééra, 30.

25. Hyp., 4. C. Athénogène, 4. Συναγαγὼν δ᾿ εγὼ πανταχόθεν, καὶ τοὺς φιλους ἐνοχλησας.

26. Le plaideur après avoir énuméré les différents prêts « Toutes les fois qu’il recueille un prêt d’amitié […] il ne s’acquitte pas aux échéances : avec lui, c’est de l’argent jeté à la rue »

27. Lys., 19. Sur les biens d’Aristophane, 22. Ἄριστοφάνης [δ᾿] οὖν τῶν χρημάτων τὰ μὲν πλεῖστα αύ̓τὸς παρέδχεν·ἐπειδὴ δὲ οὐχ ικανὰ ἦν, τους φιλους ἔπειθε δεόμενος και ἐγγυώμενος […]

28. Millett, Lending and Borrowing, 99; Marshall, The principles, 232; Keynes, Théorie générale de l’emploi, 165-74.

29. Thomsen, “The Eranistai”, 167

30. Finley, Studies in Land, 100.

31. Bresson, L’économie, 65.

32. Dém., 59. C. Nééra, 31. « […] καὶ δίδωσι αὐτῷ τἀργύριον ὅ παρὰ τῶν ά̓λλων ἐραστῶν ἐδασμολόγησεν ἔρανον εἰς τὴν ἐλευθερίαν συλλέγουσα. »

33. Après son affranchissement, Phrynon offrit à Nééra des bijoux, des vêtements et deux servantes (Dém., 59. C. Nééra, 35. Timanoridas et Eucratès estimèrent qu’ils payaient trop et qu’ils devaient assurer le fonctionnement propre non seulement de Nééra, mais aussi du reste de la maisonnée de Nicarétè (Dém., 59. C. Nééra, 29 ; Landau, Les courtisanes, 121 ; 122.

34. Hyp., 4. C. Athénogène, 4. « Συναγαγὼν δ᾿ ἐγω πανταχόθεν αὶ τοὺς φίλους ἐνοχλήσας καὶ θεὶς εἰς τὴν τράπεζαν τὰς τετταράκοντα μνᾶς, ἦκον ὡς τὴν ᾿ Αντιγόναν. »

35. Dém., 53. C. Nicostratos, 12. (́Ἐνιαυτὸν ἀτόκῳ χρῆσθαι τῷ α̂ργυρίῳ) ; Millett, Lending And Borrowing, 55.

36. Soit 1 ½ pour 100 par mois, 18 pour 100 par an.

37. Lys., 38. Contre Eschine le Socratique, 1-3.

38. Arist., Pol., Liv. 2, 1263 a.

39. Millett, Lending and Borrowing, 99.

40. Finley, Studies in Land, 105.

41. Dém., 27. C. Aphobos 1, 25.

42. Lys. 38. Contre Eschine le Socratique, 4.

43. Dém., 53. C. Nicostratos, 12.

44. Millett, Lending and Borrowing, 100.

45. Dém., 49. C. Timothée, 15.

46. Dém. 49. C. Timothée, 16.

47. Dém., 53. C. Nicostratos, 10. Par la suite, Nicostratos obtint les seize mines qui étaient le reste du prêt de la rançon en hypothéquant une maison de rapport d’Apollodore à Arkésas, du dème de Pambotade, au taux de huit oboles d’intérêt par mine et par mois. (Dém. 53. C. Nicostratos, 13).

48. Lys., 38. Contre Eschine le Socratique, 1.

49. Lys., 38. Contre Eschine le Socratique, 3.

50. Dém., 53. Contre Nicostratos, 13.

51. Dém., 27. C. Aphobos 1, 9.

52. Dém., 38. Contre Panténètos, 5.

53. Dém., 50. C. Polyclès, 17.

54. Dém., 35. C. Lacritos, 10-14.

55. Dém., 35. C. Lacritos.

56. Bresson, L’économie, 68-69.

57. Millett, Lending and Borrowing, 91.

58. Millett, Lending and Borrowing, 57.

59. Ar., La paix, v. 374.

60. Foucart, Les mystères, 275, 293.

61. Dém., 40. C. Boetos 2, 52.

62. Is., 2. La succession de Ménéklès, 36.

63. CGRN 35 ; Bergk «Eine Inschrift», 467-472.

64. Brun, Le monde grec, 151.

65. Plat., Lettre 13. Platon, dans une lettre adressée à Denys l’ancien, tyran de Syracuse, parlant de la mort prochaine de sa mère affirme qu’il lui faut dix mines pour lui ériger une tombe.

66. Lys. 32. C. Diogiton, 21. Le tombeau d’un certain Diodote mort en Asie aurait coûté cinq mille drachmes.

67. Lys. 36. C. Philon, 20.

68. Plut., Solon, 21. 6.

69. Dém., 37 Contre Panténètos, 4-5.

70. Dém., 37. Contre Panténètos, 5.

71. Arist., Const. d’Athènes, 47.

72. Arist., Const. d’Athènes, 47.

73. Dém., 27. C. Aphobos 1, 22, 37 ; Din., Contre Mécythos.

74. Ardaillon, Les mines, 169-171.

75. Dém., 27. C. Panténètos, 6.

76. Ardaillon, Les mines, 170-171.

77. Lys., 38. C. Eschine le Socratique, 2.

78. Hyp., 5. C. Démosthène, 17.

79. Brun, Démosthène, 81, Carlier, Démosthène, 38.

80. Thomsen, “The Eranistai”, 59.

81. Brun, Démosthène, 82.

82. Diog. L., Vies, doctrines et sentences des philosophes illustres, 2, 60.

83. Brulé et Descat, Le monde grec, 323.

84. Lys., 19, Sur les biens d’Aristophane, 21-22.

85. Davies, Athenian Properties, 5951, 202. Pour les trois triérarchies, Aristophane avait dépensé 8.000 drachmes.

86. Brun, Le monde grec, 126.

87. Brulé et Descat, Le monde grec, 22-24.

88. Gabrielsen, Financing the Athenian fleet, 115, 38.

89. Xén. Hell., 4. 8. 24.

90. Xén. Hell., 5. 1. 10 ; Nep. Chabrias, 2. 2.

91. Stylianou, “How many naval”, 464.

92. Dém., 19. C. Timothée, 14.

93. Dans cette lutte d’influence entre Athènes et Sparte après la création de la seconde Ligue maritime 377/6, les deux cités cherchèrent une issue commune à la guerre. Cette attitude s’explique par le fait que Sparte redoutait une nouvelle expansion de la Ligue qui menacerait ses positions du Péloponnèse et Athènes, dès lors que la Ligue était constituée pouvait espérer un partage de l’hégémonie en Grèce. Cependant, la paix signée ne fut jamais appliquée car les Spartiates tentèrent de retrouver leur position à Corcyre. (Brulé et Descat, Le monde grec, 33-34).

94. Brulé et Descat 2004, Le monde grec, 34 ; Brun, Eisphora, Syntaxis, Stratiotica, 41.

95. Brun, Eisphora, Syntaxis Stratiotika, 148.

96. Dém. 50. Contre Polyclès, 17.

97. Garnsey, Famine et approvisionnement, 200.

98. Garnsey, Famine et approvisionnement, 195-196.

99. Dém., 50. Contre Polyclès, 55-56.

100. Brun, Eisphora, Syntaxis, Stratiotika, 148, Pritchett, The Greek State, 14.

101. Dém., 49. C. Timothée, 23, 61 ; Davies, Athenian, 13346.

102. Cf. notice, C. Polyclès, 36.

103. Cf. notice, C. Polycles, 35.

104. Notice, C. Polyclès, 63.

105. Dém. 53. C. Nicostratos, 8.

106. G. Herman interprète ces étrangers qui rachètent Nicostratos comme des philoi. (Herman, Ritualised Friendship, 93) ; P. Millett souligne le caractère impersonnel de la relation établie entre Nicostratos et les deux prêteurs étrangers ( Millett, Lending and Borrowing, 265-266). Nous pensons que l’interprétation de Millett est la plus plausible car la narration de Nicostratos montre qu’il ne connaissait pas ces étrangers avant son rachat.

107. Bielman, Retour à la liberté, 289.

108. Dém. 53. C. Nicostratos, 11 ; Bielman, Retour à la liberté, 310.

109. Dém. 53. C. Nicostratos, 9.

110. Dém., Sur les forfaitures de l’ambassade, 169.

111. Dém., 3ème Olynthiènne. 7

112. FGrHist., 325, F. 50.

113. Brun, Démosthène, 145-148.

114. Le commentateur de l’édition de la CUF, G. Mathieu, affirme que l’utilisation du terme ἔχρησα par Démosthène peut s’appliquer à un ἔρανος transformé en don (Dém., Sur les forfaitures de l’ambassade, 169, n. 2). Le paragraphe 170 est très explicite : Ἐπειδὴ τοίνυν ὡμόλγησ ᾿ ὁ Φίλιππος τοὺς λοιποὺς λύσεσθαι, συγκαλέσας ἐγὼ τούτους οἷς αὐτὸς ἔχρησα τἀργύριον, καὶ τὰ πεπραγμέν᾿ ὑπομνήσας, ἵνα μὴ δοκοῖεν ἔλαττον ἔχειν ἐπειχθέντες μηδ᾿ ἐκ τῶν ἰδιων λελυτρῶσθαι πένητες ἄνθρωποι, τῶν ἄλλων ὑπὸ τοῦ Φιλίππου προσδοκωμένων ἀφεθήσεσθαι, ἔδωκα δωρεὶὰν τὰ λύτρρα. Ce passage permet de voir que les bénéficiaires de l’action de Démosthène se rangent en deux groupes : ceux qui reçurent les δάνεια d’une part et ceux qui obtinrent des δῶρα.

115. Millett, Lending and Borrowing, 61.

116. Dém. 59. Contre Nééra. 30.

117. Elle a été accusée par un certain Théomnestos d’avoir épousé, en tant qu’étrangère, un Athénien (Stéphanos). Les courtisanes étaient en général des étrangères libres ou des esclaves. Bien que des preuves existent que les ἄσται exerçaient également le métier de courtisane, des femmes de tel statut semblent rares (Glazebrook, «The making of a prostitute », 163). Et une ancienne conception persistait que de telles femmes n’étaient pas des prostituées, alors qu’il était possible de les trouver parfois parmi les ἄσταί. (Wyse, The Speech, 318. 19).

118. Dém. 59. Contre Nééra, 18.

119. Si un esclave était à court d’attente de la libération gratuite de son maître, il devait trouver une voie pour rembourser au maître le prix de son achat. Une des voies était d’utiliser une troisième partie acheteur à qui l’esclave confiait son argent. La troisième partie remettait au maître l’argent, employant ainsi la fiction de l’achat dans le but de garantir la liberté de l’esclave. (Kamen, « Manumission and Slave »,424).

120. Kamen, « Manumission and Slave », 423.

121. Dans Esch., 1, 97, il est mentionné que Timarque avait hérité « neuf ou dix esclaves, ouvriers en cuir, dont chacun lui rapportait deux oboles par jour, et le chef d’atelier qui lui en rapportait trois ».

122. Kamen, « Manumission and Slave », 416.

123. Hyp., 4. Contre Athénogène, 4.

124. Voir Hyp., 4. Contre Athénogène, notice 184-185.